14 mai 2015-14 mai 2025, déjà dix ans que le célèbre auteur béninois Jean Pliya a quitté ce monde. Une décennie après son décès, sa fille aînée Danielle Pliya rend un vibrant hommage à l’homme en mettant en lumière les exploits de ce dernier. Dans une interview accordée à la rédaction du média Le Grand Regard, elle a levé le voile sur cette illustre personnalité, qui selon elle, doit inspirer beaucoup d’africains et de béninois en particulier. Voici l’intégralité de l’interview accordée par l’afro-naturopathe. Lisez-plutôt.
Emile SINGBO
LGR : Que vous rappelle la date du 14 mai ?
Danielle Pliya (DP) : 10 ans déjà. C’est-à-dire que le temps passe tellement vite qu’on n’a même pas l’impression de le voir passer. Mais 10 ans, et ce qui est frappant, c’est la fraîcheur et l’impact du message que mon père a laissé. Je me rends compte que 10 ans après, il est toujours fort. Et chaque fois que, à travers ce qu’il a laissé, à savoir les œuvres, les témoignages, les enseignements, tout ce qu’il a laissé, continue, lorsqu’aujourd’hui on en parle. C’est comme si c’était hier. Donc c’est cette actualité, cette fraîcheur du message qu’il a laissé qui me frappe, de me dire que le 14 mai, cela fait 10 ans que Dieu l’a rappelé à lui. C’est vraiment une grande émotion, mais également une grande assurance. Quand vous faites quelque chose, que votre vie est construite sur du roc et qu’elle transforme le temps, la postérité vous retient, votre vie compte sur terre.
LGR : Que peut-on retenir du passage terrestre du feu Jean Pliya ?
DP : Écoutez, c’est d’abord le sage. Je crois que mon père Jean Pliya laisse à l’Afrique, au monde, et au Bénin un héritage, une production écrite d’une très grande variété. Et vous voyez, c’est la force de la littérature. C’est-à-dire que même lorsque la personne part, il y a quand même une grâce. C’est la force de la littérature, parce qu’elle est même plus forte que la parole. La littérature est un geste. On a des œuvres d’écrivains datant de cent ou deux cents ans qui sont encore là et qui continuent. C’est ça, la force de Jean Pliya. Il a laissé une production écrite d’une grande variété, d’une richesse, d’une densité remarquable qui fait de lui un modèle difficilement imitable. Je dis bien difficilement imitable.
Son livre Jeunesse béninoise, sois fière est, selon moi, un ouvrage que tous les jeunes béninois doivent lire. Ce livre devrait peut-être être inscrit au programme de façon civique, au Bénin et dans toute l’Afrique. Parce qu’il transmet des valeurs. Ce livre est d’ailleurs le témoignage de sa vie qu’il a laissé aux jeunes lors de ses 80 ans. C’est la part de son héritage principalement dédiée à la jeunesse, et je m’adresse à elle. On le lit, son souci d’éduquer cette jeunesse sur le plan moral et civique est de lui enseigner l’histoire de son pays. Jean Pliya était ancré sur les valeurs tels que notre tradition et notre culture. C’est ça notre héritage, c’est ça notre spécificité.
Il disait que le monde veut tout fusionner, tout uniformiser, mais nous, nous sommes africains, nous sommes béninois et ce que nous sommes, nous devons l’affirmer. Il y avait donc ce souci d’enseigner l’histoire de son pays et son patrimoine culturel. Il a appris à aimer sa patrie, à devenir patriote, à lui donner le meilleur de lui-même et à être fier de ses valeurs culturelles.
Héritage également en tant qu’éducateur. C’était un éducateur, un pédagogue hors pair. Jean Pliya a beaucoup œuvré pour l’élévation de la conscience civique des béninois en général. Bien sûr, je l’ai dit, pour la jeunesse béninoise, mais il reste et restera toujours une référence morale, éthique, incontestable. Il a eu une enfance difficile. Il a eu des études brillantes. Il fut premier du Bénin au baccalauréat dans les années 50, suivi d’Albert Tévoédjrè. Donc c’est un homme qui a impacté et, à travers son histoire, a laissé un héritage en termes de référence morale et éthique incontestable.
La troisième dimension de l’homme, en termes d’héritage est qu’il voulait soigner et sauver tous les hommes. Et justement, sa foi, sa spiritualité chrétienne catholique lui ont permis de comprendre que l’homme n’est pas simplement chair et os, mais qu’il est également corps, âme et esprit. Et cet humanisme, c’est ce qui caractérise Jean Pliya. Il est un humaniste. C’est cet humanisme profond, indéracinable, qui imprègne ses livres littéraires, ses écrits profanes et ses livres de prières, de direction spirituelle. Cela a fait de lui un disciple de Jésus-Christ, un prédicateur, un militant du Renouveau Charismatique Catholique, dont il était, au Bénin, le Berger National.
Il a laissé également, dans cette dimension en or, une bibliographie extraordinaire sur comment se soigner. Il a mis un accent sur notre corps, notre santé. Car lui-même aussi a été malade. Dieu lui a fait grâce d’être malade aussi. Les médecins l’avaient condamné à mourir déjà à 37 ans. Il a basculé, il a compris que le corps ne peut pas nous lâcher si nous l’entretenons correctement. Et c’est ce qu’il a fait. Il a changé son mode d’alimentation, il a repris le sport, il a découvert le secret des plantes, la phytothérapie et comment être sobre pour pouvoir vivre longtemps.

Et c’est parce qu’il a compris cela à 30 ans que Dieu lui a donné 50 ans de rallonge, et il a pu vivre jusqu’à 84 ans. Je dis quel drame cela aurait été si, déjà à 47 ans, il n’avait pas L’Arbre Fétiche, il n’aurait pas écrit Kondo le Requin, La Secrétaire particulière, toutes ces œuvres qui ont marqué notre histoire, qui ont marqué l’Afrique et qui continuent de vivre après lui.
De surcroît, je vais finir avec l’homme intellectuel. C’était un géographe, un historien avec l’ouvrage L’Histoire de mon pays, qui est le seul ouvrage de référence aujourd’hui présentant l’histoire de notre pays, le Bénin, depuis les origines à partir des rois, des grands présidents, jusqu’à Yayi Boni, puisqu’il est parti en 2015. Il est auteur dramaturge, nouvelliste, conteur avec La Fille Têtue, Les Tresseurs de corde, Les Moralistes, auteur de textes religieux. Il a écrit des livres qui sont des défis sur le plan mondial, comme Prier comme un enfant de roi, aujourd’hui traduit dans près de 30 langues et vendu dans le monde entier. Il était véritablement un homme d’action. Sa foi lui permettait de poser des actions, d’écrire, de laisser un héritage. Et je crois que c’est un modèle difficilement imitable. Nous essayons, tout petitement à notre niveau, de mettre nos pas dans les siens.
LGR : Quel est votre message en ce jour où vous commémorez le décès de votre feu père ?
DP : Ce que je veux dire à tout béninois qui va lire ce message, c’est que vous avez un plan, Dieu a un plan pour chacun de vous, et vous devez réaliser ce plan. Ne dites pas seulement « les autres, les autres ». Chacun, à son niveau, doit se demander qu’est-ce que je vais faire pour mettre ma pierre au service du Bénin. D’abord, soyons des patriotes, aimons notre pays. Nous parlons souvent de « béninoiserie », mais soyons fiers d’être Béninois. Arrêtons de nous minimiser. Disons-nous que Dieu a mis en chacun de nous un plan, et c’est cela que Jean Pliya nous a aidés à aller chercher en demandant à Dieu « quel est ton plan pour moi ? En quoi puis-je contribuer au développement de mon pays et également au développement de l’autre ?»
Et je parle aux jeunes « La jeunesse n’est pas un âge de la vie, mais un climat du cœur », disait un grand poète. Il y a des personnes qui ont 80 ans et sont toujours jeunes.
Je vous exhorte à cultivez cela, essayez de lire ce livre intitulé Jeunesse africaine, sois fière. Lisez-le ! Il nous a donné les grands principes qui vous permettront de réussir votre vie au-delà de ce que vous voulez, qui vous permettront d’être des hommes et des femmes qui vont compter pour l’Afrique et pour le Bénin.
J’appelle aussi les moins jeunes, ceux qui sont déjà atteints des maladies, à revisiter les écrits de Jean Pliya, à revisiter la vision qu’il avait, qui lui a permis de tenir jusqu’à 85 ans comme sa manière de s’alimenter, de penser et de réagir. Ne pas se laisser intoxiquer par tout ce qu’on entend. Oui, tout m’est permis, mais tout ne m’est pas profitable.
LGR : Quel est votre mot de fin ?
DP : Je termine sur des mots d’espérance et d’espoir en disant si 10 ans après la mort d’un homme on est toujours en train de le commémorer, cela veut dire que chaque béninois est capable de faire pareil.
Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, c’est ce que je souhaite. Que les jeunes béninois continuent de valoriser, non pas ce qui vient des États-Unis ni de la France, mais ce qui est leur vérité.
Entretien réalisé et transcrit par : Emile SINGBO