Ces dernières années, l’économie béninoise est confrontée à plusieurs chocs qui ont tenté de ralentir son développement. Malgré ces chocs qui sont pour la plupart exogènes, le Bénin affiche une résilience exemplaire s’illustrant par des taux de croissance intéressants même s’ils sont encore loin des ambitions. Mais, dans cette atmosphère économique difficile, la mendicité, les appels incessants à l’aide, la montée de la prostitution et d’autres pratiques peu recommandables constituent l’autre visage de la belle résilience et suscitent des interrogations sur le poids effectif des filets sociaux gouvernementaux.
Depuis l’arrivée au pouvoir du chantre de la rupture, Patrice Talon, le Bénin connaît une croissance remarquable dans presque tous les secteurs économiques. L’économie du pays qui autre fois était balbutiante, a, grâce aux Programmes d’Actions du Gouvernement (Pag) connu une amélioration progressive. La croissance économique du pays est donc maintenue à 6,3% avec un taux d’inflation de 2,7% au cours de ces dernières années selon le Fond Monétaire International (Fmi). L’ambition du gouvernement au départ était d’atteindre un taux de croissance à deux chiffres. Mais, avec la guerre russo-ukrainienne et la pandémie de la Covid-19, les attentes ne sont pas encore atteintes. De même, la fermeture des frontières terrestres du Nigéria en 2019 et plus tard celles du Niger suite au coup d’Etat du 26 juillet 2023 à Niamey ont sérieusement éprouvé l’économie béninoise. Ce qui a d’ailleurs permis de révéler la résilience du peuple béninois.
Mais derrière cette résilience qui fait la fierté des autorités béninoises, se cachent de tristes réalités qui frisent le drame. Face aux contraintes économiques, au nom de la résilience, bon nombre de personnes optent pour la mendicité. Elles envahissent les rues et les places publiques au grand dam de leur dignité. A maintes reprises, la police républicaine est obligée d’opérer des assainissements en chassant ces mendiants des places publiques et pourtant quelques temps après, ces derniers recolonisent les lieux. Il en est de même pour la prostitution et le proxénétisme. La prolifération des lieux de la pratique de ces activités qui contrastent avec les mœurs devient inquiétante au point où les forces de l’ordre sont obligées d’intervenir pour canaliser ces belles de nuit prêtes à tout pour survivre à la sueur de leurs cuisses et non à celle de leur front.
A travers divers canaux, les appels à l’aide sont sans cesse croissants, soit pour des situations de maladie, ou soit pour le minimum vital. Ces appels sont observés souvent dans le rang des artistes qui de plus en plus ont le sentiment d’être oubliés par la société. C’est aussi le cas de bon nombre de malades qui souffrent de certains maux qui nécessitent un peu de moyens financiers. Dans les rues comme dans les grands centres de santé du pays, il n’est pas rare de rencontrer des personnes désespérées avec des ordonnances médicales en main à la recherche de bienfaiteurs pour sauver un proche hospitalisé. Les églises et les mosquées reçoivent une bonne part de ces sollicitations qui traduisent cette face horrible de la résilience au Bénin.
Certes, un effort est fait par le gouvernement pour amoindrir les chocs à travers plusieurs filets sociaux. Ainsi, des bourses sont octroyées à certaines filles démunies des écoles et collèges ainsi que celles en apprentissage. Le Micro crédit Alafia est également l’un des projets phares du gouvernement pour soulager la peine des populations. Le projet Gbéssoké est aussi mis en œuvre pour permettre aux extrêmes pauvres de pousser un ouf de soulagement. Inutile de rappeler, les efforts du gouvernement pour booster la production agricole et faciliter la tâche aux paysans. Pourtant, des grincements de dents se multiplient poussant certains vers ces pratiques qui écornent leur dignité humaine.
Alors, il est bien évident que l’économie béninoise ne régresse pas face aux chocs exogènes qu’elle subit mais la résilience du peuple laisse des séquelles graves sur des vies. Ce qui élargit le cercle du désespoir au quotidien quand bien même les signaux macro-économiques envoyés par les institutions de Bretton Wood rassurent d’un avenir prometteur pour le Bénin.
José AHOUANTO & Lucien ADEDODJA (Stgs)