Les représentants de la communauté des cultes Vodoun au sein du Cadre de Concertation des Confessions Religieuses (Cccr) manifestent un malaise. Ils menacent même de claquer la porte à ce cadre créé pour entretenir le dialogue entre les confessions religieuses afin de préserver la paix et promouvoir le vivre-ensemble malgré les divergences d’opinion en matière de religion au Bénin. Ce malaise est simplement dû à la non prise en compte de l’expression « les mânes de nos ancêtres » dans le rapport d’un séminaire dudit cadre dans lequel il est fait mention de « Dieu ». Cette querelle du Cccr est un autre signe de l’approche de l’expiration de la constitution du 11 décembre 1990 dont les imperfections se révèlent au fil des ans.
En 1996, l’omission de l’expression « les mânes des ancêtres » par le feu président Mathieu Kérékou dans son serment d’entrée en fonction, a entraîné l’annulation dudit serment par la cour constitutionnelle. Près de 30 ans après cet incident qui avait induit la reprise du serment du président, un nouveau bruit des « mânes des ancêtres » retentit dans la République du Bénin. Les représentants des religions traditionnelles au sein du Cccr trouvent que l’absence de ce terme dans le rapport issu d’un des récents séminaires du cadre est un affront à la Nation et surtout aux religions endogènes.
Ainsi, une fois encore la question de la laïcité de l’Etat béninois consacrée par l’article 2 de la constitution est controversée. D’ailleurs, dans le fond même de la constitution béninoise, le Bénin est loin d’être un Etat laïc puisqu’en dehors de l’expression « devant Dieu et les mânes des ancêtres » imposée dans le serment du président dans l’article 53, vide la laïcité de son sens. Il n’est sans nul doute que les termes « Dieu » et « mânes des ancêtres » imposent une foi au président élu. Ce qui ne tient aucunement compte des diversités des croyances. A travers, son article 10, la constitution fait implicitement du Bénin, un Etat ‘’Vodoun’’ puisque le constituant fait obligation à l’Etat « de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation tant matérielles que spirituelles ainsi que les traditions culturelles ». Ces valeurs nationales spirituelles renvoient sans ambages au Vodoun.
Il est donc clair que la constitution béninoise bien qu’elle établisse la laïcité comme principe, crée également une discrimination au profit du Vodoun en imposant des éléments des religions endogènes à tous et surtout à tous ceux qui aspirent au fauteuil présidentiel.
Edouard ADODE