A l’ouverture de la dernière session ordinaire de la 9e mandature de l’Assemblée nationale, une nouvelle proposition de modification de la constitution est déposée sur la table des députés. L’une des innovations majeures que comporte cette proposition portée par les députés Assan Séïbou et Natondé Aké, est la création d’un Sénat pour assurer un équilibre des pouvoirs. Ainsi, au regard des missions et de la composition de cette nouvelle institution, elle semble se présenter comme une brèche pour permettre à Patrice Talon de se rattraper et en même temps un moyen de recyclage pour quelques personnalités qui pourraient constituer des menaces au pouvoir exécutif dans le temps.
Les signaux sont désormais au vert pour une deuxième révision de la constitution du Bénin après celle intervenue en 2019. Bien que la proposition actuelle soit portée par deux députés de la mouvance présidentielle, elle ne ressemble en rien à celle qui a été rejetée en 2024. L’une des innovations majeures qu’elle comporte est le passage d’un parlement monocaméral au bicaméralisme avec la création d’un Sénat, selon l’article 113-1 nouveau proposé.
Ainsi, si cette révision est votée, ce qui est d’ailleurs plus évident au regard de la démission de six députés du groupe parlementaire Les Démocrates, la nouvelle institution sera « composée des anciens présidents de la République ; des anciens présidents de l’Assemblée nationale ; des anciens présidents de la Cour constitutionnelle ; des chefs d’État-major des forces en charge de la défense et de la sécurité nationales. Le président de la République et le président de l’Assemblée nationale, désigne chacun, des membres dont le nombre n’excède pas le 1/5ème des membres de droit ».
Un panier de recyclage politique
Par sa composition, il est bien clair que le Sénat du Bénin est un panier de recyclage des personnalités politiques et militaires dont les expériences pourraient être bien utiles à la Nation. Elles ne seront plus consultées officieusement mais peuvent influencer directement certains choix qui engagent la vie de la République.
Ainsi, ces personnalités ayant servi la Nation à ces postes de haute responsabilité ne sentiront plus mises au garage et devenant subitement des spectateurs alors que de leurs erreurs et exploits du passé, elles pourront mieux éclairer les dirigeants actuels. Ce qui réduira à coup sûr les conflits inutiles qui proviennent des erreurs de gouvernance et parfois des mécontentements de ces personnalités. L’implication des anciens partons de l’armée étouffera toute velléité de remise en cause de l’ordre constitutionnel par ces derniers.
De même, ce Sénat est un moyen tout trouvé pour recaser certains politiciens carriéristes qui font ombrage aux jeunes et suscitant des luttes les plus féroces et sournoises dans certaines circonscriptions électorales. Avec la limitation des mandats législatifs, la création du Sénat est une lueur d’espoir pour ces politiciens carriéristes qui pourront être nommés par le Chef de l’Etat ou le Président de l’Assemblée nationale pour y siéger afin de ne pas se sentir désœuvrer ou abandonnés.
Une brèche de rattrapage pour Patrice Talon
L’instauration du Sénat est aussi une brèche ouverte pour permettre à Patrice Talon de se rattraper. Une fois instauré et installé, le Sénat pourra se prononcer sur certaines questions qui fâchent, notamment celle des ‘’exilés et détenus politiques » qui constitue d’ailleurs la grosse préoccupation des deux anciens présidents de la République actuels. Ainsi, ce ne serait plus le Président Patrice Talon qui aurait abdiqué. Mais, il aurait le mérite de contribuer à trouver un compromis à cette situation à travers une institution républicaine dont il aurait facilité la création et l’installation.
Toutefois, avec l’avènement de cette nouvelle institution, la question de l’utilité du Médiateur de la République se posera davantage. De même, il est important qu’avant le vote de cette révision qui sera certainement la moins contestée, que la loi puisse définir la limitation des mandats des membres du Sénat autres que ceux de droit ainsi que les autres conditions de la perte de leur statut de sénateur.
Bien que cette disposition vienne répondre à un besoin crucial au regard des missions attribuées au Sénat en perspective, elle vient renforcer l’immunité des anciens présidents qui ne pourraient jamais être amenés à répondre des infractions qu’ils auraient commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions puisqu’aussitôt qu’ils perdent leur immunité présidentielle, ils retrouvent celle de sénateur peut-être à vie.
Edouard ADODE












