Dans le monde professionnel, la santé mentale est un enjeu majeur, transcendant les frontières des secteurs public et privé. Qu’il s’agisse de fonctionnaires, d’entrepreneurs, d’artisans ou de cadres, tous sont confrontés à des défis susceptibles d’impacter leur bien-être psychologique et, par conséquent, leur performance au travail. Ainsi, au-delà, de la compétence et la volonté, le bien-être mental du travailleur est déterminant pour son efficacité et sa productivité. Mais très souvent, peu d’attention est accordée à cet aspect de la santé humaine. Ce qui plombe les résultats au travail.
Edwige MONNOU (Stg)
La santé mentale est une condition essentielle à l’équilibre de tout individu. Pour le professeur Prosper Gandaho, psychiatre et ancien recteur de l’Université de Parakou, « On dit d’un individu qu’il jouit d’une bonne santé mentale quand il est en équilibre dynamique entre lui-même et le milieu dans lequel il se trouve ». Il précise qu’une bonne santé mentale ne se résume pas à l’absence de maladie mentale, laquelle, selon lui, « a des causes multiples liées à la vie d’un homme. » Il explique que les fragilités mentales peuvent se développer dès la vie embryonnaire citant entre autres causes, les grossesses non désirées, les accouchements difficiles, un environnement défavorable, des échecs répétés. « Tout cela expose à la maladie mentale », précise le psychiatre. Ce qui peut affecter le rendement au travail d’un individu. À côté de ces fragilités, d’autres facteurs liés au cadre professionnel peuvent aussi avoir un impact sur la productivité des travailleurs.
Des pressions au travail, un poison pour la santé mentale
Les travailleurs sont confrontés à de multiples pressions, quel que soit leur domaine d’activité. Roméo Essegnon, entrepreneur à Parakou, confie être souvent submergé par les demandes multiples des clients. « Il y a la pression de vouloir satisfaire tout le monde, et parfois cela devient pesant », indique-t-il. Pour Donatien Codjo, artisan, les contraintes venant non seulement des clients, mais aussi des employés, des fournisseurs et des charges, sont autant de faits qui augmentent le stress chez lui.
Ces pressions, cumulées et répétées, ne sont pas sans conséquence sur la santé mentale du travailleur et par ricochet sur son rendement. « Bien sûr, si je ne suis pas bien portant, je ne peux pas donner un bon rendement », affirme le professeur Gandaho. Le Directeur des Ressources Humaines (Drh) d’une entreprise de la place, Abraham Idohou, abonde dans le même sens. « La santé mentale et la productivité au travail sont étroitement liées. Un environnement de travail qui ne prend pas en compte le bien-être psychologique de ses employés peut avoir des répercussions significatives sur leur efficacité et leur engagement », déduit le Drh. Roméo Essegnon illustre cela par son vécu, « à un moment donné, j’étais tellement fatigué qu’au lieu de me reposer, je continuais à travailler. Ça a affecté ma mentalité et ma manière d’aborder certains clients. Le soir, je rentre épuisé, avec des maux de tête et des courbatures. »
La santé mentale, une mine à préserver
Chaque travailleur développe ses propres mécanismes pour faire face aux différentes pressions auxquelles il est confronté. Roméo Essegnon, par exemple, hiérarchise ses tâches selon leur urgence et tente de servir en priorité les clients les plus pressés. Il confie également faire de la marche ou se retirer pour se reposer lorsque c’est nécessaire. Donatien Codjo, quant à lui, met l’accent sur la maîtrise de soi et la résilience.
Du côté managérial, Abraham Idohou veille à instaurer un climat favorable au bien-être psychologique de son personnel. Ses stratégies incluent la promotion d’une culture d’entreprise axée sur le bien-être, une communication ouverte, un leadership empathique, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, la formation à la gestion du stress, l’aménagement des postes, le suivi des indicateurs de bien-être, ainsi que la mise en place d’espaces de détente.
Selon le professeur Gandaho, préserver sa santé mentale passe par une approche multidisciplinaire. Cela inclut une rémunération adéquate, la démarcation entre vie professionnelle et vie personnelle, le repos, le plaisir, la pratique du sport, et l’évitement de substances nocives. Il recommande également d’occuper un poste que l’on aime et d’accepter un travail en adéquation avec ses capacités et compétences. L’ancien recteur de l’Université de Parakou conseille qu’« il ne suffit pas de traiter la fièvre ou les douleurs, mais il faut aussi prendre soin de son mental pour avoir un bon rendement. »
Afin de garantir un environnement de travail sain et productif, le professeur Gandaho appelle non seulement l’État à renforcer ses actions, mais aussi tous les employeurs à se préoccuper davantage de la santé mentale de leurs travailleurs. Il propose une rémunération adéquate pour garantir dignité et motivation, la promotion de l’emploi des jeunes avec des opportunités adaptées, une répartition équitable des tâches pour prévenir la surcharge et le stress, l’octroi de congés réguliers pour permettre aux travailleurs de se ressourcer. En parallèle, les entreprises ont également un rôle essentiel à jouer en assurant une répartition équitable des tâches pour éviter la surcharge et le stress, tout en veillant à offrir des congés réguliers pour le bien-être de leurs employés ainsi qu’une bonne rémunération à la hauteur du mérite des employés.
Au demeurant, autant qu’il est nécessaire de savoir travailler sur pression, autant il est capital de préserver sa santé mentale afin d’éviter d’être victime du travail.