La révision de la constitution du Bénin en 2019 a ouvert une nouvelle ère à la royauté dans ce pays dont l’histoire reste fortement marquée par ce système politique avant l’arrivée du blanc. Ainsi, la royauté dont le rôle dans le maintien de la cohésion sociale est incontestable, passe de l’informel au formel avec sa reconnaissance par la constitution dans son article 151-1. C’est donc dans la perspective de la consolidation de cette reconnaissance que la loi 2025-09 portant organisation de la chefferie traditionnelle au Bénin a été votée.
Mais après ces étapes très cruciales, les acteurs de la royauté au Bénin sont mitigés par rapport à leur avenir. Cette ère s’ouvre ainsi avec assez de frustrations dans le rang de ces acteurs. Au moment où quelques-uns se croient honorés, d’autres se voient touchés dans leur orgueil au regard des nouveaux titres qui leur sont attribués dans la loi ou par le rang dans lequel ils se sont retrouvés. D’ailleurs, le plus grand nombre se voit oublié malgré le vocable de chefferie communautaire qui semble englober tout le reste.
Depuis lors, une campagne d’explication couvre tout le territoire national. C’est dans cette ferveur que le tout nouveau président du Conseil Economique et Social (C.e.s.), Conrad Gbaguidi s’est rendu au palais impérial de Nikki le jeudi 19 juin dernier. Quand bien même la mission est bien noble, une attitude du visiteur de l’empereur Séro Torou Tuko Sari intrigue plus d’un. Au moment où les autres membres de la délégation ont par respect de la tradition se sont déchaussés, le président du C.e.s., a laissé ces belles paires à ses pieds pour échanger avec la cour impériale.
Cette situation qui pourrait donner lieu à tout un tas de rituels et de sanctions contre tout autre sujet de cette aire culturelle renforce les esprits qui considèrent que cette nouvelle ère est celle de la banalisation de la chefferie traditionnelle sous la coupole de la loi.
Certes, l’attitude de Conrad Gbaguidi est bien intrigante pour ceux qui ont un attachement pour la cour impériale de Nikki. Mais en réalité c’est juste le signal du nouveau visage de la chefferie traditionnelle puisque la soumission à l’autorité du roi est désormais facultative et seuls « les membres de son espace socioculturel qui, explicitement ou implicitement, consentent à lui faire allégeance se soumettent à son autorité », selon l’alinéa 3 de l’article 29 de la loi 2025-09.
Par conséquent, se déchausser avant d’entrer dans une cour royale étant un acte de soumission à l’autorité qui s’y trouve, et cette soumission étant volontaire, la délégation de Conrad Gbaguidi à Nikki indique ainsi le chemin légal à tous les béninois. Alors, avec cette nouvelle loi, au Bénin dans tout palais royal, on se déchausse ou non, on se prosterne ou non selon qu’on est consentent ou non à faire allégeance à l’autorité royale qui s’y trouve.
Edouard ADODE