Dans la dynamique impulsée par une rivalité légendaire, le vœu de bon nombre d’artistes de la musique traditionnelle au Bénin est de réussir à transmettre le flambeau à leur descendance de leur vivant. Et ce vœu semble être en train d’être accompli dans le rythme Tchingounmey des peuples Mahi du sud Bénin avec l’emblématique Gbèzé qui de son vivant, voit déjà un de ses propres enfants exceller sous le nom d’artiste Houégnon. Ainsi, à peine entré dans le cercle musical que déjà le jeune Gbèzé junior confirme que l’art peut bien être héréditaire mais avec des nuances pour chaque génération.
La mort qui a frappé en 1996 Justin Tokponho alias Gbèzé Sounyikou, est loin d’éteindre le feu que ce dernier a allumé à Aklampa dans le rythme Tchingounmè. Il a tragiquement quitté le monde des vivants à un moment où sa musique prenait son envol dans une arène dominée à l’époque par le patriarche Alokpon et dans une certaine mesure Gansou Nestor alias Gbégnon. Mais chose surprenante, sa mort a ouvert la voie à une belle page de ce rythme autrefois beaucoup plus connu sous une connotation funeste. Ainsi, après la mort de Gbézé 1er, son jeune frère, Modeste Tokponho qui n’était qu’un simple percussionniste dans le groupe du grand frère sort une autre dimension de lui-même faisant du rythme Tchingounmey un culte qui transcende désormais les âges et les frontières sous les noms de scène de Zèguè Zougou Gbèzé, Houégninkpo et Alomahozoki pour le rythme Tobâ des Mahi.
Ainsi, après près de trois décennies, le flambeau reste allumé malgré les guéguerres qui caractérisent cet univers qui parfois s’apparente à une jungle où son talent a inspiré plusieurs jeunes qui font la fierté de ce rythme. Mais, la cerise sur le gâteau est la révélation du fils de celui qu’on appelle Gbèzé N°2. Au moment où Zèguè Zougou continue de donner des spectacles d’ouf comme un bon vin qui se bonifie avec le temps, l’un de ses enfants surgit aussi dans l’arène du même rythme. Il s’agit de Jean-Baptiste Tokponho qui a pris pour nom d’artiste Gbèzé Houégnon.
Avant même que cette révélation ne mette un album sur le marché, ses premiers singles confirment que le tout nouveau Gbèzé a bien l’art dans le sang. Etudiant à l’Université d’Abomey-Calavi notamment à la faculté de droit et de science politique (Fadesp), ce jeune se montre comme une véritable bête de scène lors de ses prestations lives. Ainsi, volant de ses propres ailes, Houégnon retient les attentions par un énorme talent de danse, de percussion et de chant. Ses premiers clips laissent entrevoir une nouvelle dimension du Tchingounmey puisque sans rien changer dans la manière d’exécuter le rythme, Gbèzé junior introduit de nouveaux pas de danse inspirés de la musique urbaine moderne.
Il est donc sans nul doute que la relève est bien assurée pour le rythme Tchingounmey. Toutefois, du point de vue inspiration dans les compositions, Houégnon a encore du chemin à faire pour parvenir à la profondeur de son père qui découle de sa maîtrise de la langue Mahi et de son sens aigu de l’observation de la nature et de l’humain.
Edouard ADODE