Dans de nombreuses régions d’Afrique, la perception du corps humain, est profondément influencée par des stéréotypes culturels qui font passer la corpulence pour symbole de beauté, de soin de soi et de réussite sociale. Ainsi, pour répondre à cette attente de la société africaine, beaucoup s’adonnent à de mauvaises pratiques alimentaires. Il est alors crucial de distinguer l’embonpoint, socialement valorisé, de l’obésité, un véritable danger pour la santé dressant le lit à de graves maladies.
Edwige MONNOU
Dans le monde, au moins une personne sur huit souffre d’obésité, et 43 % des adultes étaient en surpoids selon une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (Oms) en 2022. En Afrique, cette maladie est souvent mal perçue et attribuée à l’aisance ou à la beauté. « Du point de vue traditionnel, l’Afrique n’a pas la notion d’obésité ; on parlera plutôt d’embonpoint. », fait remarquer Nadège Akpona, Docteure et enseignante en sociologie à l’Université de Parakou. Elle poursuit, « en Afrique, une femme ronde est considérée comme une femme belle. C’est la corpulence de la femme qui confère un statut à sa belle-famille ; cela montre que son mari travaille, qu’il prend bien soin d’elle et que sa famille est accueillante. Chez les Baméléké, par exemple, la femme mince n’est pas considérée comme belle ; ce n’est pas une femme qui valorise la famille, donc il faut la gaver. Ainsi, le bonheur et le statut socio-économique de la femme se mesurent à sa corpulence ». Luc, étudiant à l’Université de Parakou, confirme, « moi, je préfère les femmes qui ont de la forme, qui sont bien potelées ».
La sociologue insiste que ces stéréotypes ne sont pas uniquement dans le rang des femmes mais également dans celui des hommes. Elle affirme, « la société ne conçoit pas qu’un homme soit très frêle, un homme pareil n’a pas de la poigne ». Ainsi, cette perception pousse certains à chercher par tous les moyens à prendre du poids. « Deux ans après mon mariage, quand ma maman m’a rendu visite, elle n’était pas contente parce que je n’avais pas grossi. Elle se lamentait tout le temps. Mon mari a été obligé de m’acheter des médicaments pour que je grossisse », a confié Adiza D. dans un dossier du journal Daabaaru.
Les variantes d’obésités
Pour le professeur endocrinologue et nutritionniste à l’Université de Parakou, Adébayo Alassani, Maître de Conférence Agrégé en médecine interne au Centre Hospitalier Universitaire Départemental / Borgou-Alibori (Chud/Ba), « à chaque taille, correspond un poids donné. » Il définit l’obésité comme « une accumulation excessive de graisses au niveau de l’organisme. » Pour évaluer si une personne est obèse ou non, il indique qu’il faut déterminer l’Indice de Masse Corporelle (Imc) chez cette personne. Cet indice correspond au rapport du poids sur la taille au carré. Selon les sources médicales, une personne dont l’Imc est compris entre 19 et 24 kg/m² a une corpulence normale ; entre 25 et 30 kg/m², est en surpoids ; et à partir de 30 kg/m², elle est considérée comme obèse. Par exemple, un homme mesurant 1,70 m et pesant 80 Kg aura un Imc de 27,68 Kg/m². Ce qui traduit un surpoids.
Par ailleurs, le spécialiste ajoute qu’il peut y avoir des personnes en embonpoint mais présentant un gros ventre. On parle alors d’obésité abdominale, qui se détecte par la tour de taille. Lorsqu’elle est supérieure à 94 cm, cette personne est considérée comme ayant une obésité abdominale.
Les facteurs favorisant l’obésité
« Quand j’ai commencé à prendre des médicaments, je mangeais plus que d’habitude et je dormais beaucoup. Après quelques semaines, je suis devenue grosse », explique dame Adiza. Pour Kadidja, vendeuse au marché Arzèkè, « lorsque je vais à la boutique le matin, je ne rentre qu’au soir ; je suis toujours assise. Je n’ai pas le temps de faire du sport ». Ces comportements illustrent certains facteurs favorisant l’obésité.
Le professeur Alassani indique plusieurs causes pouvant entraîner l’obésité. « On distingue les causes rares et les causes fréquentes. Parmi les causes rares, nous avons l’hérédité. Les causes plus fréquentes incluent la sédentarité, la consommation excessive de sucre, de sel et d’huile, la malbouffe, ainsi que le manque d’activité physique », précise l’enseignant-chercheur. L’Oms souligne également que des facteurs psychologiques tels que le stress, la dépression ou l’anxiété peuvent favoriser l’obésité.
Des conséquences
« En 2021, environ 3,7 millions de décès étaient liés à des maladies non transmissibles (Mnt), telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, les cancers, les troubles neurologiques, les affections respiratoires chroniques ou encore les troubles digestifs, tous associés à un Imc élevé », démontre une étude de l’Oms. Le professeur Alassani confirme, « l’obésité favorise plusieurs maladies telles que le diabète, l’hypertension artérielle, les cancers, les maladies du foie, les dysfonctions sexuelles, notamment la stérilité chez la femme, une mauvaise qualité de sommeil, une mauvaise estime de soi, la stigmatisation et la dépression… ». Adiza témoigne, « j’ai souvent honte de sortir avec mes amis. En plus, j’ai du mal à trouver des vêtements, surtout les sous-vêtements, sur le marché… »
Des solutions
Le professeur Alassani recommande de « pratiquer une activité physique régulière d’au moins 30 minutes par jour ; éviter le sucre, le sel, l’huile et les boissons sucrées ; manger beaucoup de légumes, et consommer des fruits en entier. Manger l’orange, plutôt que de la sucer, par exemple ».
Il est donc clair que la rondeur ne constitue pas nécessairement un signe de beauté encore moins d’aisance. Il faut savoir faire la part des choses et adopter une attitude modérée afin d’éviter de tomber dans le piège de l’obésité, un véritable problème de santé.