Le 10 février 2025, l’Organisation Mondiale de la Santé (Oms) a officiellement reconnu les maladies rénales comme faisant partie des Maladies Non Transmissibles (Mnt). Il devient donc urgent de prioriser la prévention, de prendre soin de ses reins pour éviter de tomber dans le piège des maladies rénales chroniques ou de la défaillance rénale. Alors, pour mieux en savoir sur le fonctionnement des reins et comment en prendre soin, Dr Séraphin Ahoui, médecin néphrologue au Centre Hospitalier Universitaire et Départemental Borgou Alibori (Chud-Ba) et enseignant-chercheur à la faculté de médecine de l’Université de Parakou accorde un entretien exclusif à la rédaction du média Le Grand Regard. Lisez plutôt.
Edwige MONNOU
LGR : Expliquez-nous brièvement ce que font nos reins et pourquoi ils sont importants pour notre santé ?
Professeur Séraphin Ahoui : Les reins sont importants pour notre santé car ils jouent trois (03) grandes fonctions à savoir la fabrication de l’urine en filtrant régulièrement le sang de 5ml à 6ml. Ils peuvent filtrer jusqu’à 180 litres de sang ; le maintien de la stabilité et du confort de l’organisme en éliminant tous les déchets (créatinine, toxines, produits du métabolisme des médicaments) ; l’assurance de l’équilibre de l’eau, du sel, du potassium dans l’organisme, en éliminant leurs excès. Les reins éliminent les acides présents dans l’organisme et gardent plus les bases. Ce qui fait que le pH de l’organisme est légèrement alcalin. Le rein participe ainsi à l’harmonie de tous les autres organes.
En dehors de cela, le rein joue d’autres rôles tels que la production d’érythropoïétine, qui donne la force aux globules rouges et permet leur maturation ; la sécrétion de 1-alpha-galcitriol, précurseur de la vitamine D, pour l’absorption du calcium ; et il régularise la pression artérielle.
On peut donc comprendre que le rein joue un grand rôle dans la santé et le bien-être de l’organisme par la santé rénale.
LGR : Quelles sont les causes des maladies rénales ?
Professeur Séraphin Ahoui : Nous avons deux grands groupes de maladies rénales, les maladies rénales aiguës et les maladies rénales chroniques. Les maladies rénales aiguës peuvent être dues à des infections, des traumatismes avec perte de sang, les cas de diarrhées, la phytothérapie abusive ou l’automédication.
Les maladies chroniques quant à elles, sont silencieuses et sournoises. Le patient est malade mais ne le sait pas, c’est au stade terminal ou au stade de défaillance rénale, que les signes commencent par s’installer et souvent, les patients l’associent à de l’envoûtement. Les causes des maladies chroniques incluent notamment le diabète sucré qui est l’une des grandes causes dans le monde, l’hypertension artérielle, la phytothérapie abusive ou encore le mélange de plusieurs plantes de la pharmacopée africaine avec la médecine moderne.
Nous avons également les maladies héréditaires comme la drépanocytose, les maladies congénitales telles que la polykystose et les maladies infectieuses (les patients porteurs du Vih/Sida, d’Hépatite B et C). Enfin, l’exposition à certains toxines, notamment chez ceux qui consomment des drogues.
LGR : Quels sont les signes et symptômes qui pourraient indiquer un problème rénal ?
Professeur Séraphin Ahoui : À chaque patient, son tableau. Certains signes sont palpables, d’autres pas. L’insuffisance rénale prend le signe de toutes les autres maladies. Ce qui fait que dans notre contexte africain, les gens ne viennent pas tôt à l’hôpital parce qu’ils pensent que c’est un envoûtement. Donc un problème de rein peut se présenter sous plusieurs formes mais les signes palpables qu’on peut avoir au début peuvent être les œdèmes, les maux de tête, la fatigue, les douleurs cardiaques, les troubles visuels.
Lorsqu’il y a un problème rénal, l’une des fonctions du rein prend automatiquement un coup. Alors le patient qui devrait éliminer toutes les quantités d’eau et de sel n’y arrive plus, il y aura un déséquilibre, avec une rétention d’eau. Ainsi, ce patient va commencer par développer des œdèmes. Il n’élimine pas le sel qui va agir sur la tension artérielle et sa pression va commencer à monter. L’organisme peut ne plus éliminer le potassium, la concentration va augmenter, affectant le cœur, provoquant ainsi une diminution du rythme cardiaque. L’organisme n’élimine plus les acides, ce patient sera dans un état de dyspnée. De plus, un patient qui a une insuffisance rénale et qui n’a plus la synthèse d’érythropoïétine, va commencer par développer une anémie, il fait un peu d’effort, il est trop fatigué. Ce sont des patients qui font des confusions par manque de 1-alpha- calcique, et régulièrement des crampes. L’organisme va commencer à garder les urines, ne plus éliminer l’urée. Ça peut venir au niveau de la peau et le patient va commencer à gratter tout son corps, il y a d’autres qui peuvent avoir des céphalées, pour d’autres ce sont les faiblesses sexuelles ou manque de libido. Certains patients par contre ne présentent aucun signe.
LGR : Comment alors préserver sa santé rénale ?
Professeur Séraphin Ahoui : Il faut que tous ceux qui souffrent des maladies chroniques ou infectieuses suivent bien leur traitement, évitent l’automédication. Les médecins doivent traiter le malade (la cause) et non la maladie. Les patients doivent respecter la posologie des médicaments comme conseillée par les médecins, les femmes enceintes doivent bien suivre leur grossesse pour éviter des enfants avec malformations. Il faut consulter tôt, respecter les rendez-vous, éviter la phytothérapie abusive, boire beaucoup de liquide environ 40 à 60 ml de liquide par kilogramme par jour.
LGR : Que fait l’État dans la lutte contre les maladies rénales ?
Professeur Séraphin Ahoui : L’État intervient par la formation des médecins, la création et le renforcement des centres de dialyse, l’ouverture des Diplômes d’Études Spécialisées (Des) en néphrologie ainsi que des masters pour la dialyse, la prise en charge des patients qui bénéficient des droits qu’il faut.
LGR : Votre mot de fin ?
Professeur Séraphin Ahoui : Je souhaite que les gens adoptent une bonne prévention, suivent bien leur traitement, respectent les conseils de leurs médecins et prennent toutes les mesures pour préserver leur santé rénale.
Interview réalisée et transcrite par : Edwige MONNOU