La vaccination, outil essentiel de la prévention en santé publique, sauve chaque année des millions de vies en les protégeant contre de nombreuses maladies infectieuses et en leur évitant certains handicaps. En Afrique, en 2023, au moins 1,8 million de vies ont été sauvées grâce aux vaccins, selon l’Alliance du Vaccin (Gavi). Cependant, malgré ces succès, des résistances persistent dans bon nombre de pays africains, empêchant certains enfants d’accéder aux vaccins et de grandir en bonne santé. Pour mieux comprendre ces enjeux et obtenir plus d’éclaircissements sur la vaccination, le Docteur Jivaterd Dègla, médecin épidémiologiste récemment formé en vaccinologie par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (Unicef), accorde un entretien exclusif à la rédaction du média Le Grand Regard. Lisez plutôt.
LGR : Vous venez de finir une formation certifiante en vaccinologie avec l’Unicef, quelles sont vos impressions par rapport à cette formation ?
Dr Jivaterd Dègla : Le 8 juillet 2025, j’ai achevé avec succès une formation certifiante de l’Unicef portant sur la gestion de la chaîne d’approvisionnement des vaccins. Celle-ci m’a permis de m’immerger concrètement dans les enjeux opérationnels liés à l’introduction de nouveaux vaccins, à la maîtrise de la chaîne du froid, à la gestion des stocks, ainsi qu’à la préparation logistique des campagnes de vaccination. Cette expérience m’a permis d’approfondir des compétences stratégiques essentielles pour renforcer l’efficacité et l’équité du système vaccinal, notamment dans les zones les plus vulnérables. Je considère cette formation comme un véritable levier d’impact en santé publique.
LGR : Qu’est-ce que la vaccination ?
Dr Jivaterd Dègla : La vaccination est un acte médical préventif qui consiste à introduire dans le corps une substance appelée vaccin, afin de stimuler le système immunitaire à produire des défenses contre certaines maladies infectieuses. En d’autres termes, on apprend à notre corps à se défendre contre des microbes sans avoir à subir la maladie.
LGR : Quelle est l’utilité de la vaccination ?
Dr Jivaterd Dègla : La vaccination sauve des vies. Elle permet d’éviter des maladies graves, parfois mortelles comme la rougeole, la poliomyélite, le tétanos ou la méningite. Elle protège non seulement la personne vaccinée, mais aussi son entourage, en empêchant la propagation de ces maladies. C’est donc un acte de protection individuelle et collective.
LGR : Quelles sont les couches concernées par la vaccination ?
Dr Jivaterd Dègla : La vaccination concerne l’ensemble de la population, à divers stades de l’existence. Dès la naissance, les enfants constituent la principale cible des programmes de vaccination systématique. Toutefois, l’intervention vaccinale ne se limite pas à la petite enfance, elle s’étend également aux adolescents, notamment à travers l’immunisation contre le papillomavirus humain, aux femmes enceintes, qui bénéficient du vaccin antitétanique, ainsi qu’aux adultes. Ces derniers sont concernés par diverses vaccinations, telles que celles contre la Covid-19, la fièvre jaune ou encore la grippe, particulièrement recommandées chez les personnes âgées ou présentant des facteurs de risque.
LGR : Quels sont les vaccins importants chez les enfants et chez les adultes ?
Dr Jivaterd Dègla : Chez les enfants, les vaccins essentiels dans le cadre du Programme Élargi de Vaccination (Pev) au Bénin sont les suivants; le vaccin Bcg (Bacille de Calmette et Guérin), qui protège contre les formes graves de la tuberculose ; le vaccin antipoliomyélitique oral (Vpo) ou inactivé (Vpi), contre la poliomyélite ; le vaccin contre l’hépatite B (Hep B) ; le vaccin pentavalent (DTC-Hep B-Hib) qui protège contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et les infections à Haemophilus influenzae type b ; le vaccin contre la rougeole et la rubéole (Rr) ; le vaccin contre la fièvre jaune (Vaa) ; le vaccin antipneumococcique conjugué (Pcv 13), qui protège contre 13 sérotypes de Streptococcus pneumoniae ; le vaccin contre le rotavirus (Rota), pour prévenir les diarrhées aiguës graves chez le nourrisson ; le vaccin contre le papillomavirus humain (Hpv), généralement recommandé chez les adolescentes, afin de prévenir les infections à Hpv, responsables notamment du cancer du col de l’utérus.
Chez les adultes, les vaccins recommandés dépendent du contexte individuel, professionnel ou épidémiologique. Nous avons le vaccin antitétanique, particulièrement important chez les femmes enceintes pour prévenir le tétanos maternel et néo-natal ; le vaccin contre la fièvre jaune, recommandé voire obligatoire dans certaines zones endémiques ou pour certains voyages internationaux ; le vaccin contre la Covid-19, recommandé à tous les adultes, en priorité aux personnes à risque ; le vaccin antigrippal, conseillé surtout chez les personnes âgées, atteintes de maladies chroniques ou immunodéprimées ; le vaccin contre l’hépatite B, fortement recommandé pour les professionnels de santé et toute personne exposée au sang ; le vaccin contre la fièvre typhoïde, recommandé aux adultes et aux enfants dès 2 ans en cas de séjour prolongé dans des zones à conditions sanitaires précaires ; le vaccin méningococcique Acwy, recommandé aux personnes vivant ou se rendant dans des zones à risque notamment le nord du Bénin ou lors d’épidémies, ainsi qu’aux sujets immunodéprimés ou drépanocytaires.
LGR : Qu’est-ce qui peut justifier la réticence de certaines personnes face à la vaccination ?
Dr Jivaterd Dègla : Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette réticence. Nous pouvons citer le manque d’information ou la circulation de fausses rumeurs, la peur des effets secondaires, le manque de confiance envers les autorités sanitaires, des croyances culturelles ou religieuses.
Il est essentiel d’écouter ces préoccupations avec respect et d’y répondre par l’information, le dialogue, et la transparence.
LGR : Quelles peuvent être les conséquences de cette réticence ?
Dr Jivaterd Dègla : La réticence vaccinale peut entraîner une baisse de la couverture vaccinale, ce qui favorise le retour ou la persistance de maladies évitables. On l’a vu avec la rougeole ou la polio dans certains pays. Elle met en danger non seulement l’individu non vacciné, mais aussi l’ensemble de la communauté, surtout les plus fragiles comme les enfants ou les personnes immunodéprimées.
LGR : Quelle appréciation faites-vous de la couverture vaccinale au Bénin ?
Dr Jivaterd Dègla : Grâce au leadership éclairé du gouvernement béninois et à l’engagement constant de ses partenaires techniques et financiers, le pays a enregistré, ces dernières années, des progrès remarquables en matière de couverture vaccinale. Plusieurs vaccins inscrits dans le Programme Élargi de Vaccination (Pev) affichent désormais des taux de couverture particulièrement satisfaisants dans de nombreuses localités.
La mise en œuvre résolue de la politique nationale de santé communautaire a permis de renforcer l’adhésion des populations aux interventions sanitaires, notamment par le biais des relais communautaires. Ces acteurs de proximité, véritables sentinelles de la santé publique, œuvrent inlassablement à rapprocher les soins des communautés les plus marginalisées, contribuant ainsi à résorber les disparités d’accès aux services de santé dans les zones les plus enclavées.
Parallèlement, la digitalisation progressive des dispositifs de vaccination constitue une avancée stratégique majeure. L’équipement des relais communautaires en tablettes numériques facilite la collecte et la transmission en temps réel de données épidémiologiques fiables, renforçant ainsi la réactivité et l’efficience du système.
Des initiatives innovantes, telles que les caravanes de sensibilisation conduites par les conducteurs de taxis-motos, sont également mises en œuvre afin de mobiliser les populations, en particulier dans les zones à faible couverture, et de repérer les enfants dits « zéro dose » ou insuffisamment vaccinés. À cela s’ajoutent des campagnes de rattrapage et des journées de vaccination supplémentaires, déployées dans une logique de complémentarité.
C’est dans cet élan que s’est inscrite la célébration de la Semaine Africaine de la Vaccination, placée sous le thème éloquent, « Des vaccins pour tous, c’est humainement possible ». À cette occasion, une vaste opération de rattrapage vaccinal a été orchestrée à l’échelle nationale.
Toutefois, malgré ces avancées indéniables, des défis subsistent. Les contraintes d’accès liées à certaines zones géographiques, les ruptures de la chaîne de froid, les insuffisances en matière de sensibilisation et les poches persistantes d’hésitation vaccinale continuent d’entraver l’atteinte d’une couverture optimale et équitable. Le défi demeure donc de garantir, à chaque enfant, où qu’il se trouve, un accès effectif et durable à la vaccination.
Il convient, enfin, de saluer une avancée historique dans la lutte contre le paludisme, l’introduction, dans le cadre du Pev, du vaccin antipaludique. Cette initiative stratégique du gouvernement béninois a permis le déploiement du vaccin dans 38 communes relevant de 16 zones sanitaires. Associée à des mesures complémentaires, cette action concertée a conduit à une réduction de 38 % de l’incidence du paludisme entre 2022 et 2024, et à une baisse de 39 % de la mortalité liée à cette pathologie sur la même période.
LGR : Votre mot de la fin ?
Dr Jivaterd Dègla : J’encourage vivement toute la population à continuer à faire confiance à la vaccination. Les vaccins sont sûrs, efficaces et sauvent des vies. Protéger un enfant, c’est lui donner une chance de grandir en bonne santé. Et protéger la communauté, c’est faire preuve de solidarité.
Merci à vous pour cette opportunité de sensibilisation.
Entretien réalisé par Edwige MONNOU
