Le creuset par excellence où se cultivent les premières et vraies valeurs humaines est sans nul doute la famille. Qu’elle soit nucléaire ou élargie, la famille est le lieu où l’individu découvre et apprend à vivre dans la société. C’est là que se tissent les premiers rapports de l’individu avec les autres. En Afrique, la famille est même sacrée puisqu’elle est placée au-dessus de l’individu. Ainsi, s’opposer à une décision de la famille est un sacrilège chez nous. Lorsqu’un enfant est banni de la famille, il se prend pour le plus malheureux de la terre.
Mais que devienne la famille aujourd’hui en Afrique face au vent de la modernisation qui secoue tout sur son passage ? Ce n’est un secret pour personne que la famille perd de plus en plus son caractère sacré en Afrique. Le fil que constitue la famille et qui reliait les individus ayant le sang en commun se rompt au quotidien de sorte que la famille se résume de plus à un nom. Les valeurs qu’elle incarnait jadis deviennent rares et superficielles.
Ainsi, l’amour dans la famille cède la place à la méfiance voire même la haine dressant le lit à toutes sortes de coups bas. L’esprit de sacrifice déserte les familles et tout se fait désormais par intérêt égoïste avec la montée du matérialisme. La solidarité qui était une des marques fortes de la famille en Afrique est balayée par l’individualisme à outrance. Le droit d’aînesse au nom duquel la parole des aînés avait tout son pesant d’or n’a pratiquement plus de sens face au pouvoir de l’argent qui donne la primauté des décisions aux plus riches. Le faible est donc écrasé et la vérité est à géométrie variable selon les avoirs des uns et des autres. Dans nos familles en Afrique surtout celle large, chacun se méfie de tout puisque derrière un sourire ou la gentillesse d’un membre de la famille peut se cacher un venin mortel.
Certes, depuis toujours, la famille en Afrique n’a jamais été présentée comme le jardin d’Eden. A travers les chants et les contes, les attentions sont souvent attirées sur la dangerosité de la famille et surtout l’obligation d’y vivre avec prudence. Mais, avec la modernisation, les liens familiaux s’affaiblissent de manière plus inquiétante. Alors, s’éloigner de sa grande famille devient de plus en plus l’option pour plusieurs qui se sentent mieux entourés des personnes avec lesquelles ils ne partagent aucun lien familial. S’il leur était permis, d’autres auraient même effacé leur patronyme au regard de certaines plaies venant de leur famille et qui refusent de cicatriser dans leur vie. Par conséquent, chacun vit en parfait inconnu au milieu des siens.
Alors, il est bien vrai que la famille en Afrique est sérieusement éprouvée mais il reste pourtant un minimum de valeurs familiales par endroit et qui méritent d’être cultivées. C’est donc un devoir pour chacun de sortir de la coquille de peur et de méfiance dans laquelle bon nombre de personnes se recroquevillent afin de renouer avec les fondamentaux de la famille puisqu’elle reste indispensable pour l’équilibre social. Car, comme le dit un adage populaire du sud Bénin, « chaque oiseau n’est grand que dans son plumage ».
Edouard ADODE