. La montagne accouche d’une souris ?
Le jeudi 13 mars 2025, l’Assemblée nationale du Bénin a voté la loi sur la chefferie traditionnelle. Ce vote constitue l’aboutissement d’un long processus qui a d’abord permis la reconnaissance de la chefferie traditionnelle dans la constitution du Bénin au détour de la révision intervenue en 2019. Mais loin d’être un instrument de consolidation du pouvoir traditionnel au Bénin, dans plusieurs de ses aspects, cette loi est une épée de Damoclès sur la tête des rois et chefs coutumiers qui sont susceptibles d’être réduits à la solde des autorités politiques avec des risques de suspension ou de perte de trône.
Conformément à l’article 151-1 de la constitution qui dispose que « l’Etat reconnaît la chefferie traditionnelle gardienne des us et coutumes dans les conditions fixées par la loi » ; l’Assemblée nationale a voté la loi portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin. Cette loi reconnaît 16 royaumes au Bénin, 80 chefferies traditionnelles et 10 chefferies coutumières. Elle définit le champ d’action des têtes couronnées ainsi que leur rapport avec l’Etat et entre elles selon leurs rangs. Ainsi, selon l’article 11 de la nouvelle loi, « …l’intronisation d’un roi ou l’installation d’un chef coutumier est constatée par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de l’intérieur… ».
Une épée de Damoclès sur la tête des rois
Certaines dispositions de cette loi viennent davantage corser les conditions d’éligibilité des prétendants aux trônes ainsi que le maintien des règnes. Ainsi, déjà avec l’article 16, les prétendants doivent en plus des critères reconnus par la tradition pour accéder au trône, veiller à ne pas faire « l’objet d’une condamnation par décision judicaire devenue définitive à une peine afflictive ou infamante… ». Puisque la loi ne pouvant pas autoriser des monarchies au sein d’un Etat moderne de surcroît démocratique, les rois ne bénéficient d’aucune immunité devant la loi. Par conséquent, toute tête couronnée coupable d’une infraction quelconque sera traitée comme tout individu selon l’article 26 de la loi. D’ailleurs, la soumission à l’autorité du roi devient facultative puisque seuls « les membres de son espace socioculturel qui, explicitement ou implicitement, consentent à lui faire allégeance se soumettent à son autorité », dispose l’alinéa 3 de l’article 29.
Avec cette loi, le pouvoir traditionnel n’est plus absolu et son détenteur ne pourra plus forcément l’exercer à vie comme c’était le cas dans la plupart des chefferies traditionnelles. Selon l’article 37, certaines situations telles que, l’ « abdication », la « démission », l’ « incapacité physique ou mentale permanente » ou la « condamnation définitive à une peine afflictive » peuvent être cause de cessation de la fonction. Plus loin, au terme des article 39 et suivants, les têtes couronnées sont passibles de sanctions allant d’un avertissement au retrait de l’acte de reconnaissance en passant par la suspension.
Par conséquent, quand cette loi sera promulguée, il peut avoir un moment où le Bénin aura des anciens rois ou chefs traditionnels déchus et remplacés de leur vivant. Ce qui est bien contraire aux us et coutumes qui ne tolèrent la succession au trône qu’après la mort d’un souverain.
Edouard ADODE