Depuis le coup d’Etat qui a emporté l’ancien président nigérien Mohamed Bazoum, les frontières entre le Bénin et le Niger sont fermées. Malgré l’ouverture de la frontière par le Bénin, elle reste fermée du côté du Niger rendant difficile la circulation des biens et des personnes entre les deux pays frères. Mais après les premiers jours, les populations ont trouvé un palliatif pour garder les liens fraternels tout en contournant les politiques dans leurs querelles. Ainsi, le transport fluvial Malanville-Gaya devient florissant et fait déjà oublier les souffrances de la fermeture des frontières. C’est désormais la partie juteuse de la crise entre les deux pays.
La Rédaction
« Si le Niger pouvait maintenir indéfiniment ses frontières terrestres avec le Bénin fermées, seuls les piroguiers de Malanville seraient les plus heureux », constate Michel H., délégué médical en service dans la ville nigérienne de Dosso et qui vient de franchir le fleuve Niger pour aller passer le week-end de Pentecôte en famille à Cotonou. Il est habitué à ce trajet depuis six ans. Mais avec le coup d’Etat du 23 septembre 2023 qui a entraîné la fermeture des frontières entre le Bénin et le Niger, Michel est obligé de débourser plus du double du montant dont il avait besoin pour ses voyages entre son pays d’origine et celui où il travaille.
Tout comme Michel, tous ceux qui voyagent par voie terrestre du Bénin vers le Niger ou dans le sens contraire sont obligés de traverser le fleuve Niger par des pirogues des pêcheurs de Tounga, un village de la commune de Malanville du côté du Bénin. « Nous sommes-là pour aider les voyageurs à traverser le fleuve. Il y a des femmes qui quittent Malanville chaque jour pour aller au marcher de Gaya et d’autres aussi quittent là-bas pour venir faire des achats au marché de Malanville, elles ne payent pas le même prix que les autres voyageurs », confie sous anonymat Pierre, un pêcheur qui s’est converti en piroguier depuis que le transport fluvial est devenu florissant sur le Niger. Il précise que les tarifs varient entre 1000 et 10 000f Cfa selon les passagers et les bagages. Les passagers sont même appelés à payer double tarif quand il s’agit de voyage de nuit. Selon certaines indiscrétions, chaque piroguier arrive à faire d’importants chiffres d’affaires et surtout les jours des deux marchés situés de part et d’autre du fleuve.
Une voie de résilience au choc
Les compagnies de transport en commun s’accommodent désormais avec cette nouvelle exigence. Ainsi, provenant de Cotonou, les bus en partance sur les villes du Niger s’arrêtent à Malanville laissant la suite du voyage à d’autres véhicules en attente de l’autre côté après que les passagers aient traversé le fleuve. C’est le même scénario pour ceux provenant de Niamey en direction du Bénin. Certains camions transportant des marchandises se livrent aussi au même exercice.
Toutefois, des bus provenant du Niger réussissent à franchir le pont entre le Bénin et le Niger sans grande difficulté. « Arrivés au niveau de la frontière du côté du Niger, le conducteur est descendu vers les policiers nigériens. A son retour, nous avons continué sur le Bénin sans qu’aucun passager ne descende », témoigne Pascaline Gbodou, étudiante béninoise dans une université de Zinder au Niger en visite chez ses parents à Parakou au Bénin.
Le contournement qui fait oublier la crise
Avec ce contournement fluvial, les effets de la crise sont de moins en moins ressentis par les populations des deux pays. Par conséquent, les produits qui ont fait objet de surenchère dès le début de la crise, sont revenus à leurs prix normaux sur les marchés du Bénin tout comme sur ceux du Niger. L’oignon et certaines épices du Niger dont les prix faisaient rechigner les acheteurs sont désormais abordables au Bénin. Il en est de même pour les fruits et autres produits qui quittent le Bénin pour le Niger.
Ainsi, au moment où le ton continue de monter entre le président Patrice Talon et son homologue nigérien le Général Abdourahamane Tiani, les populations profitent du passage sur le fleuve Niger pour rester connecter entre elles. Ce qui rend la crise bien juteuse pour les habitants du village de pêcheurs de Tounga en général et particulièrement pour les piroguiers et les propriétaires des pirogues dont la seule prière est que le Niger garde indéfiniment ses frontières fermées contre le Bénin quand bien même la facture est plus salée pour les voyageurs avec des risques de noyade.