Le développement spectaculaire de la Chine inspire beaucoup de pays dans le monde qui croient fermement que le sous-développement n’est pas une fatalité. Comptée parmi les pays pauvres du monde, il y a de cela quelques décennies seulement, la Chine est en passe d’être la première puissance économique mondiale. Loin d’être le fruit du hasard, ce développement exponentiel que connaît la Chine a plusieurs fondements notamment des choix politiques courageux qui remettent en cause certains modèles universels. Ainsi, sans procéder à une copie coller de la démocratie populaire chinoise, le Président Patrice Talon a compris que pour le développement du Bénin, il est important d’adapter la démocratie aux réalités du peuple béninois.
Edouard ADODE
Classée parmi les pays les plus pauvres du monde il y a quelques décennies en arrière, « la Chine est devenue le principal partenaire commercial de plus de 140 pays et territoires, ce qui lui a permis d’occuper la première place mondiale en ce qui concerne le volume du commerce de marchandises et être parmi les premiers pays sur le plan des investissements étrangers et des investissements à l’étranger », révèle le rapport du XXe Congrès du Parti Communiste Chinois (Pcc) le 16 octobre 2022. Cet exploit chinois est la conséquence « d’un remarquable courage politique » manifesté à travers une « bataille décisive de la réforme qui a été pour la Chine une entrée « dans une zone d’eaux profondes », indique le même rapport.
Ceci est possible grâce à l’adaptation du socialisme occidental aux réalités de la Chine. Le rapport du XXe congrès du Pcc a clairement mis en évidence cette vérité. Cet esprit est axé sur le postulat selon lequel « pour résoudre les problèmes de la Chine, il faut partir de la situation concrète du pays, et il appartient au peuple chinois, et à lui seul, d’y apporter les solutions adéquates ». Dans la mise en œuvre de ce postulat clairement posé, la Chine a vite compris qu’elle ne doit pas « agir sans tenir compte de l’évolution des circonstances, tomber dans le repli sur soi ou l’immobilisme, ni copier les modèles des autres pays ou imiter aveuglément ce qui vient de l’étranger sans être en mesure de l’assimiler ». Ledit rapport précise que « la modernisation chinoise se caractérise par la poursuite de la voie du développement pacifique. Nous ne suivons pas l’ancienne route empruntée par certains pays pour réaliser leur modernisation à travers la guerre, la colonisation et le pillage ; cette route, qui servait les intérêts de certains en nuisant aux autres, était celle des crimes sanglants et abominables dont ont profondément souffert et souffrent encore les peuples des pays en voie de développement ». Ainsi face au procès des droits de l’homme, la Chine se définit comme « un pays socialiste de dictature démocratique populaire, dirigé par la classe ouvrière et fondé sur l’alliance des ouvriers et des paysans. Tous les pouvoirs de l’État appartiennent au peuple ».
Le Bénin révélé au rythme de la Chine
Ces dernières décennies, le Bénin prend aussi conscience de ce qu’il ne pourra réellement sortir du carcan du sous-développement qu’en adaptant la démocratie aux réalités du pays. L’ancien président Boni Yayi annonçait déjà cette vérité quand il disait, « cette démocratie-là est une démocratie Nescafé qu’on est en train de mener, chargée de désordre et d’anarchie. On n’ira jamais à la prospérité, si nous ne changeons de chemin. Il faut que nous changions de chemin ». Cet appel qui venait du fond du cœur de l’ancien président de la République du Bénin exaspéré à l’époque par les grèves et les scandales financiers sera rapidement traduit en actes par son successeur Patrice Talon. Il s’agit des « réformes difficiles » qui sont perçues dans le monde comme des attaques contre les acquis démocratiques.
« Moi, je n’ai pas l’ambition d’avoir une expression démocratique identique à la France », va clairement faire savoir Patrice Talon face aux entrepreneurs français le 30 août 2022 à Paris. Il justifie en rappelant que « quand un pays comme la France, l’Italie, les Etats-Unis et consorts sont des pays construits, organisés et structurés, et que la plupart des fondamentaux sont acquis, l’expression démocratique peut fleurter avec l’anarchie, ce n’est pas grave. Ça ne compromet pas la survie du pays ». Mais « quand un pays est à construire, notamment dans lequel tout est à reprendre, vous avez besoin d’avoir une réglementation forte, vous avez besoin que les gens respectent la loi, soient disciplinés… ».
Cet élan correspond bien au rêve de départ de l’empire du milieu qui était « l’édification d’une Chine fondée sur les lois » pour finir avec « les contradictions institutionnelles et structurelles de l’économie », « le développement déséquilibré, non durable ». Tout comme le Bénin, à un moment donné, les dirigeants chinois ont su que « le modèle de développement que nous connaissions n’était plus soutenable, des problèmes liés aux systèmes et mécanismes existants se posaient, et la « barrière des intérêts intouchables » était devenue de plus en plus visible », indique le rapport présenté par le président Xi Jinping. Pour donc relever ces défis, la Chine a dû instaurer des cadres réglementaires « dans chaque sphère d’activité, des changements sans précédent, des refontes systématiques et des restructurations générales ont eu lieu dans de nombreux secteurs ».
Au Bénin, le peuple est mis résolument au travail avec la dérégulation du rapport entre employeurs et employés. Désormais, grâce à la loi sur l’embauche, l’employeur et l’employé peuvent fonctionner sur des contrats à durée déterminée renouvelables sans limites. De même, les dispositions des articles 2, 11, 13, 14 et 17 de la loi N° 2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin sont modifiées. Entre autres, l’article 2 nouveau de la nouvelle loi interdit le droit de grève aux services militaires et paramilitaires, c’est-à-dire, police, douane, eaux et forêts et chasses, ainsi qu’aux services de santé. Selon l’article 13 nouveau, la durée totale de la grève ne peut excéder 10 jours au cours d’une même année, 7 jours au cours d’un même semestre et 02 jours au cours d’un même mois.
Décriées au départ comme un recul des acquis démocratiques, ces réformes à la chinoise permettent au Bénin d’enclencher de grands pas vers son développement avec des investissements étrangers sans cesse croissants dans la Zone Industrielle de Glo Djigbé (Gdiz). Dans les secteurs de l’éducation, du numérique et de la santé, des prouesses sont aussi visibles faisant oublier la dureté des réformes.