Plus de frustrations que de sourires !
. Des rois partagés entre légalité et légitimité
La loi votée à l’Assemblée Nationale portant cadre juridique de la chefferie traditionnelle en République du Bénin a jeté plus qu’un froid sur l’enthousiasme qu’avait suscité la reconnaissance de la chefferie traditionnelle par la constitution béninoise version révisée du 7 novembre 2019. Des contestations s’élèvent de presque toutes les régions et même parfois de certaines cours royales reconnues par cette même loi. Dans la partie septentrionale où la commission technique mise sur pied pour l’élaboration de ladite loi a pris en référence l’an 1897, de griefs sont en train d’être formulés à l’encontre de ce cadre juridique qui traduit la volonté du chef de l’État de redorer le blason de la chefferie traditionnelle.
Il est d’abord reproché à la nouvelle loi l’omission de nombreuses chefferies traditionnelles que certains élèvent au rang de royaumes. Il s’agit notamment de Banikoara, Kandi, Zougou Kpantrossi, Bagou, etc. « Six royaumes pour toute l’aire culturelle Bariba et Nagot ? C’est insensé ! », s’offusque un responsable griot de Wassa. On estime ainsi que la loi a été très restrictive et l’oubli ou l’omission de certains royaumes créera plus de problème qu’elle n’en résout.
Ensuite, des voix s’élèvent pour contester la classification qui met dans le même panier Nikki et les royaumes comme Kika, Kouandé, Boué et Sandilo. Selon les contestataires de cette classification, Nikki est un empire et les rois de Sandilo, Kouandé, Boué et Kika font allégeance à l’Empereur de Nikki. « C’est un cafouillage. On ne peut pas mettre Nikki au même niveau les autres. Cela risque de semer la confusion au niveau de la hiérarchie des chefferies », clame un membre du bureau de l’Association Culturelle de Baruten.
Dans la commune de Péhunco, la crainte d’un litige autour de Wassa reconnu comme chefferie traditionnelle dépendante est bien évidente. Car, si le trône de Bio Doko Dodonou II est coutumièrement reconnu au-dessus de celui des Sinagonrigui de Péhunco, il n’est pas exclu de voir naître un litige sur le détenteur du titre de roi de Wassa. Car, la loi n’a pas été précise à ce niveau et un débat pourrait naître entre les défenseurs de la chefferie traditionnelle de Wassa dans la commune de Péhunco qui est Tobré et celle de Wassa de Péhunco.
Pour le compte de Nikki, les membres de la dynastie Karawi Sannin, celle du deuxième souverain de Nikki, Sero Baguiri, ont rendu public un communiqué pour affirmer « sans ambages leurs désapprobation et désolidarisation totale de cette disposition » qui veut leur écarter de la succession.
Quant à Léon Bani Bigou, l’une des voix les plus autorisée en matière de la valorisation de la culture béninoise et particulièrement de celle de Baruten, la nouvelle loi ne respecte pas l’histoire et les valeurs ancestrales et traditionnelles du pays. Il espère cependant que des amendements soient faits avant qu’elle ne passe à la promulgation.
Kassim MAMA