La sorcellerie, cette chimère des esprits qui se disent éclairés est la hantise de ceux qui ont du mal à trouver de cause rationnelle à leur insuccès ou à leur malheur. Ainsi, pour ceux-là pour qui la sorcellerie est une réalité, tout ce qui tend à sortir de la rationalité du moment, trouve son essence dans cette force occulte qui hante les esprits sous nos cieux. Alors, pour venir à bout à cette force redoutée, lorsque toutes les solutions mystiques ou spirituelles se montrent vaines, éliminer le sorcier devient une idée à laquelle très peu résiste.
Aucun moyen n’est donc plus exclu pour assouvir cette soif métaphysique pour quiconque se retrouve dans ce piège de la société. C’est ce qui justifie la ferveur qui a caractérisé les procès contre les soi-disant sorciers et sorcières sous le pouvoir révolutionnaire du feu Général Mathieu Kérékou. Ces procès ont abouti pour la plupart à la condamnation de femmes et hommes dits sorciers ou sorcières à des peines atroces et inhumaines à partir de témoignages fallacieux et parfois drôles devant un tribunal dont les moyens de vérification des faits restent subsidiaires et voire même subjectifs. On croyait ainsi éliminer la sorcellerie en s’attaquant aux sorciers et sorcières.
A l’ère de la démocratie, notamment entre 1995 et 1999, plusieurs villages des départements du Mono et du Couffo ont connu également une parenthèse de ferveur pareille à celle qui a emballé le peuple béninois au temps du célèbre Alpha Cissé. Dans cette zone, le phénoménal Dévi Ehoun Zinsou connu sous le pseudo « Colonel civil Dévi », se basant sur ses pouvoirs mystiques, haranguait les foules dans la région et se faisait passer pour le détecteur des sorciers et autres malfaiteurs qu’il faisait éliminer au travers de nombreuses vindictes populaires. Un phénomène pareil a été aussi enregistré vers 2010 dans la commune de Ouassa Péhunco. Dans cette commune du nord Bénin précisément dans le département de l’Atacora, un marabout a fait assez de victimes par des révélations spectaculaires de présumés sorciers ou sorcières qui seraient à l’origine de certains maux dont souffraient certaines personnes qui lui font recours pour avoir solution. Cette situation a d’ailleurs débouché sur un grand trouble causant en 2014 la destruction du palais du feu roi Sinagonrigui Kpé Sourou qui n’approuvait pas la pratique à l’époque.
Ainsi, on voit combien certains béninois sont passionnés de connaître le sorcier ou la sorcière qui serait à l’origine de leur malheur. Si cette soif de connaître le sorcier était seulement justifiée par le désir de se protéger contre ce dernier, le problème ne se poserait pas. Mais une fois connu, le sorcier ou la sorcière est éliminée et souvent de manière crapuleuse. Pour ceux qui ont encore un brin d’humanisme dans leur sang, ils soumettent ses présumés sorciers à une mort plus lente, toutefois douloureuse. C’est ainsi que certains abandonnent leurs propres parents âgés dans la misère totale sous préteste qu’il leur aurait été révélé que ces derniers ont la sorcellerie. Dans certaines églises, c’est avec ferveur qu’on prie pour la mort des sorciers au moment où on proclame l’amour du prochain.
Mais, quand le sorcier est mort, le malheur prend fin pour autant ? D’ailleurs, plus on en tue et plus de gens se sentent sous l’oppression de la sorcellerie. Pourtant, chaque jour, hommes et femmes continuent de courir de charlatans en visionnaires passant par des prophètes ou pasteurs à la recherche des sorciers qui troublent leur sommeil, et le cercle du crime reste sans fin.
Edouard ADODE