Les béninois vivant au Gabon passent un mauvais temps. A travers une récente décision, le nouveau gouvernement gabonais interdit l’exercice d’une série d’activités génératrices de revenus aux étrangers. Une décision qui dans les jours à venir impactera négativement bon nombre de béninois vivant dans ce pays. Dans cette même veine, des femmes béninoises occupant des places dans un marché du Gabon sont menacées. Face à cette situation, les autorités béninoises ont réagi à travers un communiqué du ministre des affaires étrangères, Olushegun Adjadi Bakari.
Au cours du conseil des ministres du 13 août dernier, le gouvernement gabonais a pris la décision d’interdire aux étrangers l’exercice de certaines activités. Il s’agit de la vente ambulante, la petite restauration, la vente de produits manufacturés locaux, la couture, la coiffure, la réparation de chaussures et les petits travaux de bâtiment, c’est-à-dire la peinture, la maçonnerie légère et autres. Il ne fait donc l’ombre d’aucun doute que c’est dans ces activités qu’on retrouve le grand nombre de béninois de la diaspora. Les femmes béninoises installées dans un marché de la province de Lambaréné sont déjà intimidées pour les places qu’elles y occupent. Ce qui annonce des moments difficiles pour la diaspora béninoise au Gabon.
En réponse à ces actes, le chef de la diplomatie béninoise dans un communiqué déplore cette décision de l’État gabonais tout en invitant la communauté béninoise au Gabon à la sérénité et au respect des lois et règlements de leur pays d’accueil. Une réaction qui démontre l’attention que l’État béninois porte à ses enfants où qu’ils se trouvent. Ainsi, les béninois vivant au Gabon ne se sentiront pas abandonnés par leur pays dans cette épreuve.
Dans le même communiqué, le ministre béninois des affaires étrangères du Bénin annonce qu’ensemble avec les autorités gabonaises, une opération d’identification et de rapatriement de béninois qui le désirent sera lancée dans les tout prochains jours. Mais, bien que cette annonce semble traduire aussi la sollicitude de l’État béninois envers sa diaspora, elle prend le contre-pied d’un principe cher au chef de l’État Patrice Talon.
Si on sait que ce n’est pas toujours de gaîté de cœur que ces béninois quittent leur patrie pour s’installer ailleurs, leur rapatriement dans le contexte actuel sonnera comme une »reconversion » forcée. Or, face à la question de la reconversion des conducteurs de taxi moto, Patrice Talon a clairement donné une réponse qui cache un principe de sagesse. Ce principe est tout simple, créer en amont des conditions d’attractivité de l’agriculture de sorte qu’on ne force personne à y aller mais que volontairement des béninois décident de faire leur choix. Patrice Talon confirme par sa réponse aux Zémidjans qu’il est un homme qui travaille méthodiquement sans jamais mettre la charrue avant les bœufs.
Ainsi donc, ce principe est aussi applicable aux béninois de la diaspora qui se livrent aux petits métiers pour survivre. Profiter d’une situation conjoncturelle dans leur pays d’accueil pour stimuler leur rapatriement sans penser au préalable aux conditions de leur réinsertion socio-économique une fois au bercail, serait comme mettre la charrue avant les bœufs. Ce qui pourrait engendrer d’autres problèmes sociaux pour le Bénin puisque le retour chez soi après plusieurs années passées à l’étranger, se prépare tant sur le plan économique que sur le plan psychologique. Il s’agit là d’une question individuelle qui dépend de plusieurs facteurs.
Alors, cette décision du ministre Olushegun Adjadi Bakari mérite d’être reconsidérée pour ne pas aggraver la situation de ces béninois qui ont déjà acquis une certaine assise au Gabon. C’est le moment pour ces derniers de faire preuve de résilience face à la situation dans leur pays d’accueil. Ce qui est bien possible quand on sait qu’en matière de résilience aux chocs les béninois ne manquent pas d’ingéniosité où qu’ils se trouvent.
Ainsi, la situation actuelle au Gabon est un signal aux dirigeants béninois qui ont le devoir de travailler à une croissance économique rapide au Bénin de sorte que les bras valides de la diaspora puissent rentrer librement comme ce fut le cas du Ghana sous le pouvoir de Jerry Rawlings. Dans les années 1990, on se rappelle que ce sont les ghanéens qui faisaient certains petits métiers au Bénin. Mais grâce à la thérapie de l’ancien président Jerry Rawlings, le Ghana est devenu attractif au point que sans décréter le retour au bercail de ses fils, ces derniers sont rentrés chez eux et vivent mieux. Seule cette thérapie s’impose au Bénin. Toute autre action sera un déplacement de problème et non une solution.
Édouard ADODE