La démocratie béninoise s’approche d’un autre virage de sa mise en œuvre. Ce virage est annoncé par une proposition de modification de la constitution portée par les députés Assan Séibou et Natondé Aké, qui instaurera un Sénat pouvant servir d’institution d’arbitrage dans les conflits politiques majeurs. Quand bien même cette nouveauté ne soit pas une invention du Bénin, et quand bien même cette institution ne manque pas de pertinence, elle laisse entrevoir des incertitudes sur certains acquis de la démocratie et surtout sur la liberté d’expression.
Selon article 5-1 en création, le Sénat aura à veiller sur le respect d’une trêve de quatre ans dès l’élection du Président de la République. Au cours de cette trêve, « les activités politiques des partis politiques et des corps de la Nation doivent converger au renforcement de l’action politique du Gouvernement jusqu’à l’année précédant la prochaine année électorale », lit-on dans la proposition de loi. Cet article précise que « au cours de cette période de trêve des activités de compétition politique, l’activité des partis politiques ne doit pas compromettre l’action politique du président de la République et du Pouvoir exécutif. L’animation du débat politique à finalité compétitive est suspendue. L’activité politique doit être contributive et concourir au succès de l’action politique mise en œuvre par la majorité en charge de la direction de l’État ».
Ainsi, cette trêve viendra mettre fin à toute critique de l’action publique. Puisque quand bien même objective, toute critique peut être perçue comme ne concourant pas « au succès de l’action politique mise en œuvre par la majorité en charge de la direction de l’Etat ». Dans un sens plus large, puisque cette trêve concerne les partis politiques et les corps de la Nation, la liberté de la presse pourrait être aussi entamée durant cette période faisant des journalistes de simples griots.
De même, cette trêve pourrait dresser le lit à un climat de supputation comme au cours de la période révolutionnaire où tous ceux qui étaient soupçonnés comme étant des réactionnaires subissaient des châtiments.
Ce qui pourra être fatal même à la réussite de l’action gouvernementale puisqu’il n’est un secret pour personne que ce sont les critiques qui permettent à ceux sont dans le feu de l’action de voir certains aspects qui pourraient leur échapper lors de la prise de certaines décisions. De même, la peur d’être critiqué par l’adversaire est un moyen efficace pour bien faire.
Si les cris de l’opposition et même les tournées du parti Les Démocrates n’ont pas pu empêcher le Président Patrice Talon de faire des prouesses, la nécessité d’instaurer cette trêve reste encore à revoir avant qu’il ne soit trop tard.
Edouard ADODE












